Sciences de la santé > médecine

Frédéric Tremblay

8 minutes

4 août 2023

L’UQAM s’est récemment dotée d’un nouveau recteur en la personne de Stéphane Pallage. Pendant la course au rectorat, quand j’avais entendu dire qu’il avait contribué à ce qu’une faculté de médecine soit créée à l’Université du Luxembourg dont il avait aussi été recteur, j’avais écrit au candidat pour lui demander s’il envisageait une faculté de médecine pour l’UQAM. (J’ai aussi prêché pour ma paroisse éducationnelle en disant qu’une collaboration de cette éventuelle faculté avec celle des sciences de l’éducation me semblerait optimale.) Sa réponse? « Une Faculté des sciences de la santé est imaginable à moyen terme. » Depuis, dans les médias, plutôt que « faculté de médecine », c’est aussi l’appellation de « faculté des sciences de la santé » qu’il utilise.


Différentes universités, différents noms


À l’Université de Montréal, à l’Université Laval et à l’Université McGill – les trois plus vieilles du Québec –, la plupart des programmes de formation aux soins de santé sont rassemblés dans des facultés de médecine. À l’Université de Sherbrooke, on parle plutôt d’une Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS), et la santé a même droit à son propre campus, un peu à l’écart, près du Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke (CHUS). À Montréal, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) est plutôt loin du campus de l’Université de Montréal. Ceci dit, il est à côté de l’UQAM, ce qui ne nuirait pas au projet de faculté des sciences de la santé (ce que soulignait Pallage dans la réponse qu’il m’a faite : « Le voisinage immédiat du CHUM nous ouvre aussi beaucoup d'opportunités pour des recherches cliniques »). En creusant un peu, je tombe sur cette idée : que le processus de sélection serait valide parce qu’il permettrait de savoir qui sont vraiment les candidats. Et que, donc, se préparer aux différentes étapes de ce processus reviendrait à le biaiser. D’accord, les modalités des tests de jugement situationnels comme le CASPer et des mini-entrevues multiples (MEM) permettent moins de vendre une personne qu’on n’est pas que des entrevues classiques. Mais montrent-ils nécessairement le vrai soi?



Si cette faculté venait à être créée, j’espère qu’elle offrirait ce qui serait le cinquième programme québécois de formation à la profession médicale – peut-être centré sur la médecine familiale, la santé publique et la médecine sociale et communautaire, pour rester près des spécialités uqamiennes? (En plus, ça ferait un beau pied de nez à ce qu’on chantait pendant mes initiations à l’Université de Montréal : « Les med fam devraient aller à l’UQAM, aller à l’UQAM, aller à l’UQAM » [chante-t-on encore ça?].)



Mais ce qui importe le plus, c’est que si cette faculté venait à être créée sous le nom de « Faculté des sciences de la santé », elle suivrait – et participerait à accentuer – la tendance générale à diversifier la pratique des soins de santé et à déshéroïser la médecine. Elle irait encore plus loin que la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke en retirant carrément « médecine » de son nom.


Pourquoi faut-il dépasser la médecine?


Qu’on ne se trompe pas : je n’ai rien contre la médecine et les médecins. Même si je n’ai jamais été la personne la plus corporatiste, je garde mon attachement à la profession, et surtout un immense respect pour les capacités de ceux qui la pratiquent. Mais je me dis que les excellents candidats sont attirés par les défis liés à la pratique d’une profession rigoureuse, et que si la médecine occupait moins de place dans le domaine des soins de santé, les mêmes candidats se répartiraient dans la pratique d’autres professions.



J’ai mentoré des candidats visant plusieurs professions et discuté avec des étudiants de plusieurs programmes – entre autres dans le cadre des activités du Forum de la relève étudiante pour la santé au Québec (FRESQue), dont j’ai été président. Plusieurs motivations poussent à vouloir être admis dans des programme contingentés tels que la médecine, la pharmacie, la physiothérapie, l’ergothérapie, l’optométrie, la nutrition, l’orthophonie et j’en passe. D’abord, justement, le gout d’une formation exigeante. Ensuite, la volonté d’aider autrui au niveau de ce qui le préoccupe souvent le plus. Enfin, la reconnaissance sociale et la hauteur du revenu contribuent sans doute pour certains – même si je pense que cette motivation prend de l’importance plus tard, en pratique.


Ce que je trouve dommage, quand on survalorise la médecine – en laissant plus ou moins formellement la gestion des soins de santé entre les mains des médecins, et en leur laissant la quasi-totalité des pouvoirs tant diagnostiques que thérapeutiques –, c’est que forcément, ceux qui veulent que leur travail aient le plus grand impact possible dans la vie de la clientèle sont fortement attirés par cette profession… au détriment des autres. La pharmacie, la physiothérapie, l’ergothérapie, etc. deviennent souvent des plans B, C et D, etc. même quand ce qui intéresse le plus les candidats, c’est la gestion des médicaments, de l’activité physique et de l’occupation générale de la clientèle.


Parce que les médecins prescrivent les médicaments et leur posologie. Parce que les médecins diagnostiquent les troubles musculosquelettiques et prescrivent les traitements physiothérapeutiques. Parce que les médecins réfèrent en ergothérapie. En un mot, parce que les médecins restent le centre de contrôle des soins de santé. Comment être surpris, donc, que ce soit aussi souvent le programme de premier choix? Comment être surpris qu’on dise du pavillon Ferdinand-Vandry, celui qu’occupe la Faculté de médecine de l’Université Laval, que tous ceux qui y étudient sont des gens qui visaient la médecine – ceux du programme de médecine comme des autres? (La blague peut moins être faite pour l’Université de Montréal vu que les programmes de soins de santé sont répartis dans plusieurs autres pavillons que le Roger-Gaudry.)


La médecine, de cerveau à pivot


À mon sens, la médecine, plutôt que centre de contrôle des soins de santé, doit en devenir une plaque tournante. La spécificité des médecins, du fait de l’histoire de la profession et de leur formation actuelle, est de leur donner une compréhension globale du corps humain – juste assez profonde pour pouvoir ébaucher des diagnostics et des traitements, que différents spécialistes reprendront et affineront. Après tout, un physiothérapeute ne devient-il pas spécialiste des troubles musculosquelettiques au point qu’il puisse être comparé à ce que fait un cardiologue pour le cœur, un gastroentérologue pour le système digestif, un pneumologue pour les poumons? Ce rôle de consultation de première ligne et de répartition, que l’organisation actuelle tend plutôt à attribuer à des infirmières de mieux en mieux formées – infirmières cliniciennes, infirmières praticiennes spécialisées –, pourrait rester le propre de ces médecins actuellement dits « de famille », et qui pourraient redevenir « omnipraticiens » (leur fédération a d’ailleurs gardé ce nom). Après tout, les sujets des soins de santé sont toujours seulement des personnes, pas des familles…


Retour aux programmes universitaires


Mais je suis en train de tomber dans des considérations organisationnelles, à la limite politiques, qui m’éloignent de ma réflexion sur la formation. Les deux restent liés, parce que la formation initiale, en plus d’apprendre le métier, forme aussi déjà l’identité professionnelle – et crée entre étudiants ce qu’on constatera plus tard sur le terrain. Pourtant, on peut quand même distinguer la contribution spécifique des universités.


Ce qu’elles doivent souhaiter, c’est que le moins possible d’étudiants des programmes de santé autres que la médecine les voient comme des moyens de remonter leurs notes pour appliquer de nouveau en médecine. Dans l’état actuel de l’organisation des soins, ça se comprend, et je ne suis pas en train de dire à ceux qui suivent d’autres programmes pour cette raison d’arrêter de le faire, ou de s’en sentir mal. Si leur objectif est d’avoir le plus grand impact sur la santé québécoise, je les comprends d’essayer de passer par là. Il faut donc organiser les soins pour qu’une plus grande diversité de moyens – et de professions – permette d’atteindre ce même objectif.



Les universités n’en feraient pas peu en renommant toutes leurs facultés de médecine « facultés des sciences de la santé ». L’UQAM n’en ferait pas peu en nommant ainsi son éventuelle faculté rassemblant ses programmes de formation menant à la pratique de professions des soins de santé – surtout si elle compte un programme de médecine.

Ce ne serait peut-être que symbolique, mais les symboles ne sont pas de peu d’importance. La prochaine étape serait que les programmes de formation contribuent à développer une culture de la collaboration interprofessionnelle qui aille plus loin que les quelques cours de collaboration en soins/sciences de la santé (CSS) qu’ont implanté les différentes universités, et qui restent trop souvent déconnectés de la pratique… Mais ce sera pour un autre billet de blogue. J’espère que celui-ci aura donné de quoi réfléchir à ceux qui sont en processus de demande d’admission à l’université!

Frédéric Tremblay

Frédéric (appelez-le Fred) a gradué du doctorat en médecine de l’Université de Montréal en 2019. Après un court passage à la résidence en médecine familiale qui confirme son intérêt pour la pédagogie, il se réoriente en éducation. Il est actuellement doctorant en éducation à l’UQAM et travaille sur la douance. Mentor pour Accès Carrière depuis 2021, il est également le directeur pédagogique de l’entreprise.

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